Pourquoi tant de Français rêvent d’écrire (et si peu vont au bout)
- Manon Arbaud
- 7 oct.
- 3 min de lecture
L’appel du stylo : une passion française
C’est un chiffre qui en dit long sur notre imaginaire collectif : près d’un Français sur quatre a déjà rêvé d’écrire un livre, mais moins d’un sur vingt l’a réellement fait. L’écriture, en France, n’est pas qu’un passe-temps. Elle incarne un acte symbolique fort, presque une quête identitaire. Derrière chaque carnet entamé, chaque fichier nommé roman.docx, se cache un même désir : celui de laisser une trace, de se dire autrement, de mettre de l’ordre dans le chaos intérieur...
Mais alors, pourquoi cette envie d’écrire se heurte-t-elle si souvent à l’impossible ? Pourquoi tant de manuscrits dorment-ils dans des tiroirs, inachevés, relégués au silence ?
Une nation d’écrivants plus que d’écrivains
Les chiffres parlent d’eux-mêmes :
79 % des Français disent aimer écrire, selon une étude Librinova–Odoxa.
24 % ont déjà pensé à écrire un livre, mais seuls 5 % sont passés à l’acte.
Et parmi ceux-là, combien sont allés jusqu’au bout ? Peu, très peu — bien moins qu’on ne le croit.
Cette disproportion entre le désir d’écrire et le passage à l’acte révèle un phénomène profond. L’écriture fascine, mais elle intimide. Elle attire comme une promesse de révélation... puis fige, dès qu’il faut se confronter à la page blanche.
Nous aimons l’idée d’écrire. Moins souvent, le geste lui-même.
Écrire : un acte de lucidité, pas un simple rêve
Car écrire, ce n’est pas seulement “raconter une histoire”. C’est se confronter à soi. À ses manques, ses doutes, son rapport au temps, à la légitimité. Ce n’est pas un hasard si tant de personnes abandonnent leur manuscrit autour de la page 40 ou 80 : c’est souvent là que le texte commence à toucher quelque chose de vrai.
Dans les ateliers d’écriture ou les accompagnements que je mène, j’observe un point commun : la plupart des projets interrompus ne manquent pas d’idées, mais de soutien intérieur. L’auteur se retrouve seul face à une exigence qui le dépasse, et sans repère pour avancer dans cette traversée.
Le mythe de l’écrivain solitaire
Nous portons encore une image romantique de l’écrivain : celui qui, seul dans son bureau, accouche de son génie (parfois dans la douleur). Or, cette vision est non seulement fausse, mais profondément décourageante. La création est un acte vivant, qui a besoin d’être nourri, accompagné, mis en mouvement.
Les écrivains qui publient ne sont pas forcément plus doués. Ils ont souvent su créer les conditions favorables à leur régularité : une structure, une discipline douce, un regard extérieur qui leur permettent de rester en lien avec leur texte.
Écrire, c’est tisser une fidélité — à son projet, mais surtout à soi-même.
Le rêve d’écrire comme symptôme contemporain
Ce désir massif d’écrire dit quelque chose de notre époque. Dans un monde saturé d’images et de vitesse, écrire devient un acte de résistance. C’est reprendre le temps long, celui de la pensée articulée, du mot choisi. C’est redevenir sujet, là où tout nous pousse à la dispersion.
L’écriture est un espace de liberté intérieure : elle répare, elle clarifie, elle relie. Mais pour qu’elle déploie ce pouvoir, il faut lui donner un cadre, un rythme, une écoute. Et c’est souvent là que tout se joue.
Transformer le désir en élan
Peut-être que votre projet d’écriture n’a pas besoin de plus de volonté, mais d’un autre regard. D’un espace où vous pouvez reprendre confiance dans votre parole et trouver la méthode douce qui vous permettra d’aller jusqu’au bout.
Écrire, c’est oser passer du rêve à l’acte. Pas pour devenir auteur au sens public, mais pour redevenir acteur de son récit intérieur.
Le rêve d’écrire n’est pas un caprice : c’est un appel à se dire. Et répondre à cet appel, c’est déjà commencer à écrire.
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