Écrire pour ne pas exploser
- Manon Arbaud
- 10 juil.
- 3 min de lecture
Je ne compte plus les fois où je me suis retrouvée, carnet ouvert, stylo en feu, à écrire comme on crie — mais sans faire de bruit.
Une dispute, un trop-plein, une injustice, une peur, un épuisement… Des nuits de postpartum. Des journées d’hyperstimulation. Des nœuds trop serrés dans le ventre. Et à chaque fois, la même pulsion : il faut que j’écrive, ou je vais imploser.
Ce n’est jamais joli. Parfois illisible. Mais c’est là, sur la page. Et je peux respirer à nouveau.
Écrire pour dire ce qu’on ne sait pas encore dire
Ce qui me pousse à écrire dans ces moments-là, ce n’est pas un besoin esthétique. C’est un besoin vital. C’est l’écriture comme exutoire, comme soupape, comme sas de décompression.
Je me vide. Je déverse. Je reformule ce qui tourne en boucle dans ma tête. Et petit à petit, en traçant des mots, je trace aussi des lignes de fuite. Je verbalise ce qui me hante. Et je commence à le regarder autrement.
Parfois, en une demi-page de journal, je suis déjà un peu moins en colère. Un peu moins confuse. L’écriture ne change pas le réel, mais elle change mon angle de vue. Et ça suffit souvent à me remettre en mouvement.
Un outil que je ne dépasse pas — je l’habite
Je n’ai jamais dépassé cette manière d’écrire. Je n’en ai jamais eu envie.
Je crois que ce serait comme prétendre qu’on a dépassé le besoin de pleurer. Ou le besoin de respirer. Non, je continue d’écrire “à chaud” quand il le faut. Et je le revendique.
Aujourd’hui, je pratique surtout l’écriture automatique, le journaling — des formes simples, instinctives, brutes. Je n’ai pas besoin d’y réfléchir. Je n’écris pas pour qu’on me lise. Je n’écris pas pour faire œuvre. J’écris pour me retrouver.
Et même si je ne relis presque jamais ces textes, je les garde. Comme on garde une preuve discrète d’un moment où l’on a tenu bon.
Une pratique que je transmets… et qui fait ses preuves
Dans mes accompagnements thérapeutiques, je propose très tôt ce type d’écriture. Parfois, mes clients n’y croient pas. Ils s’en excusent presque. Mais ils changent souvent rapidement d'avis. Un jour, l’un d’eux m'a dit :
“Je ne voulais pas écrire, et pourtant j’ai écrit trois pages d’un coup. Je me suis surprise à pleurer… et ça m’a fait un bien fou.”
Alors non, ce n’est pas magique. Mais c’est puissant.
Côté écriture biographique, c’est pareil : même quand l’objectif est de raconter, il y a cette charge émotionnelle qui cherche une sortie. Et écrire — même sans style, même sans structure — peut faire du bien en amont, pendant, et après le processus.
Ce que l’écriture ne fait pas (et ce qu’elle fait quand même)
Je ne crois pas que l’écriture à chaud résolve tout. Elle ne remplace ni une parole dite, ni un soin, ni un lien. Mais elle prépare souvent le terrain. Elle nettoie. Elle apaise. Elle permet de poser ce qui ne peut pas encore se dire à haute voix.
Et ça, c’est déjà beaucoup.
Ce que je retiens, aujourd’hui
Il y a des mots qu’on n’écrit que pour les sortir de soi. Il y a des phrases qui ne sont pas faites pour être lues, mais pour ne plus nous ronger.
Et c’est dans ces moments-là que l’écriture devient un espace sûr. Un lieu où tout peut être dit sans être jugé. Un endroit où l’on peut crier sans déranger, pleurer sans s’effondrer, exister sans se retenir.
Alors si vous sentez que ça déborde : écrivez. Sans filtre. Sans plan. Sans objectif. Juste pour ne pas exploser.
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